« Du monde entier au cœur du monde. » Tel aurait pu être le titre de cette exposition, en référence au recueil de poèmes de Cendrars.
Car si l’œuvre dessinée d’Alan Levitt pourrait à première vue passer pour une simple collection d’images, à l’aspect quasi photographique et glanées aux quatre coins du monde, son ambition profonde ne saurait se confondre au souvenir de vacances, ni son propos se résumer à une invitation au voyage. Des signes la parcourent, qui fournissent autant d’indices quant aux préoccupations de leur auteur.
Alan Levitt s’est installé à Paris au début des années 1980. Architecte de profession, il aime marcher en traînant dans les villes, découvrir des nouveaux paysages, s’assoire devant un tableau au musée. Il multiplie depuis plus de trente ans les voyages, et en conserve les traces sur des feuilles de papier. Aussi anecdotiques puissent-elles sembler parfois, les choses qu’il rend siennes par l’usage du dessin, lieux vues ou scènes vécues qu’il retrace au crayon, sont comme les différents caractères d’une seule et même phrase.
Les Amériques, le pourtour méditerranéen, la péninsule ibérique… y sont autant de terreaux où la vie, à loisir, se déploie : la lumière s’y dépose, quand elle n’éclabousse pas, la mer vient s’y échouer, les herbes s’y répandre. Les arbres s’y élancent vers un unique ciel traversé de nuages, et les animaux broutent, sous leurs airs de Bouddhas.
Les frêles silhouettes que l’on y aperçoit parfois, et ces habitations que l’on devine être les leurs, rappellent que ces lieux, en dépit de leur exotisme pour qui n’y a jamais mis les pieds, sont ceux dans lesquels nous, les hommes, vivons.
Minuscules et fragiles face à l’immensité de notre environnement, à ses périls, nous nous sommes organisés en sociétés, avons cru en des dieux, en avons créé des images. Les objets rescapés de civilisations défuntes, ces vestiges ayant su préserver au fil des millénaires leur aura de mystère, en sont les témoignages.
Les dessins d’Alan Levitt nous rappellent que l’art, et les hommes, et la vie, ont peut-être aujourd’hui encore quelque chose à voir avec le sacré.